21 avril 2009

amnios, seconde version


À travers ma vision trouble, les murs semblent dégoutter, mon ouïe saturée par un bourdonnement aigu m’empêchant d’entendre autre chose. La membrane se déchire et se désintègre peu à peu, me laissant nue. Je sors de la matrice et m’affale, car mes muscles sont atrophiés. La première chose qui me vient à l’esprit est que je suis nue, et que mes yeux ne fonctionnent pas normalement, car tout est nimbé d’un halo flou.
L’air se condense devant ma bouche à chaque souffle, et forme des nuages bleutés. Où suis-je? Pourquoi est-ce que mon côté gauche est aussi douloureux ?
Pourquoi ? Quel crime ai-je commis afin de subir un tel traitement? Mes mains, pourtant, sont vierges de toute saleté. Le fluide opaque tachant mon corps ne semble pas provenir d’une blessure quelconque. Les veines de mes bras sont gonflées à un point tel qu’on eut dit qu’un arbre sans feuilles était tatoué sur ma peau. Mon corps entier est parcouru de tremblements, comme si j’étais en manque de drogue.
Mon nez capte un mélange de vomi, de métal, de poussière, de moisi et de cuivre. L’odeur est insoutenable, je porte la main à ma bouche afin de retenir un haut-le-cœur. Je constate que plusieurs formes s’amoncellent ici et là. Mais il fait trop sombre pour distinguer de quelle nature sont ces silhouettes, exactement. Certaines sont suspendues alors que d’autres reposent contre le sol. J’ai l’impression de me trouver dans un congélateur industriel.
Est-ce des victimes des mêmes sévices que moi ? Que s’est-il passé? Pourquoi suis-je ici?
- Il y a quelqu’un ?
Pas de réponse. Dois-je commencer à paniquer ? Suis-je la seule personne en vie ? Pourquoi le sol ne veut-il pas demeurer stable ? Un banc de brouillard a envahi mon esprit et engourdit mes sens. Les murs ondulent doucement et une lumière apparaît, d’un blanc vif. Une porte qu’on ouvre? De mes doigts gourds, j’essaie de frotter mes yeux pour y voir plus clair, mais ne peux me débarrasser du voile masquant ma vue.
Quelque chose surgit, fonçant droit vers moi. Je suis presque aveugle et mes muscles ne répondent plus. Tant bien que mal, je me projette sur le côté afin d’éviter le monstre en furie. Me rétablissant, je tâte le sol à la recherche de quelque chose. Ma main glacée touche un glaçon, sur lequel mes doigts se referment. L’objet en question dégage une odeur pestilentielle que je n’arrive pas à identifier.
Un grognement sourd comme de l’eau se fracassant contre des rochers provient de derrière moi. Je pivote sur mes talons instables, levant mon arme improvisée. Je plisse les paupières dans l’espoir de situer mon assaillant, mais seule une forme floue se dessine devant mes globes oculaires inutiles. Je ferme les yeux, son souffle faisant presque vibrer la pièce entière. Une vibration pulse soudain du sol, de plus en plus forte. Avant qu’elle n’atteigne son point culminant, je brandis mon arme improvisée tout en tombant à genoux.
L’impact me jette presque à terre, mais le bruit mouillé l’accompagnant ainsi que l’absence de halètement me signifie que l’ennemi est vaincu, quel qu’il soit.
Grincement, puis soudaine clarté. On me tire vers l’extérieur, une bourrasque de vent glacé afflue brusquement dans mes poumons. Je suis en hyperventilation. Étourdie, je perds pied, mais une main ferme m’entraîne au-delà du rectangle lacté, me laissant tomber sur le sol rugueux contre mon épiderme. J’essaie tant bien que mal de contrôler ma respiration, mais je ne peux que lâcher un bref cri étouffé alors qu’un jet d’eau m’atteint en pleine poitrine. Je tente de me protéger de mes bras tuméfiés, mais la morsure du liquide est tenace.
Un humanoïde à la peau jaune, en fait un militaire vêtu d’une combinaison Hazmat, se penche sur moi, ses iris placides vissés dans les miens.
- Russ. Calme-toi. C’est fini. Tu as passé le test.